Dans l’imaginaire collectif, la fonction présidentielle est souvent associée à une certaine solennité, à des voitures d’apparat imposantes et statutaires. Pourtant, derrière l’image officielle, se cachent parfois des passions plus personnelles, des goûts plus affirmés. C’est le cas de Georges Pompidou, deuxième président de la Ve République, dont l’amour pour l’automobile et la vitesse a marqué son passage à l’Élysée. Au cœur de cette passion, un objet mythique : sa Porsche 356, une voiture qui symbolise à elle seule l’alliance de l’élégance, de la performance et d’une certaine idée de la liberté.
Une acquisition prémonitoire
Nous sommes en février 1962. Georges Pompidou, alors directeur général de la banque Rothschild, est un homme de pouvoir et d’influence, mais pas encore le personnage public qu’il s’apprête à devenir. C’est à ce moment charnière de sa vie qu’il décide de s’offrir une Porsche 356. Le modèle exact fait l’objet de quelques variations selon les sources, mais la plupart s’accordent sur un Coupé B ou C, carrosserie gris ardoise et intérieur en skaï tabac blond. Un choix qui dénote un goût certain pour les belles mécaniques et une sensibilité à l’esthétique épurée de la marque de Stuttgart.
Cette acquisition, loin d’être anodine, se révèle presque prémonitoire. Deux mois plus tard, en avril 1962, le Général de Gaulle le nomme Premier ministre. Conscient de la nécessité d’une plus grande discrétion, Pompidou fait alors immatriculer la voiture au nom de son épouse, Claude. Une astuce administrative qui ne trompera personne bien longtemps, tant le couple présidentiel ne se privera pas du plaisir de conduire ce petit bolide.
« S’ils l’ont achetée, c’était par amour, pas pour se faire
voir »,confiera leur fils, Alain Pompidou, au journal L’Équipe. (Source : L’Argus)
La Porsche, compagne des week-ends de liberté
Chaque vendredi soir, loin des ors de Matignon puis de l’Élysée, Georges Pompidou retrouve le volant de sa Porsche pour rejoindre leur maison de campagne à Orvilliers. Ces escapades sont de véritables bouffées d’oxygène, des moments de liberté où le couple présidentiel se plaît à jouer avec les limites, s’amusant à semer les imposantes Citroën DS de leur escorte de sécurité. Une anecdote qui en dit long sur le tempérament de cet homme d’État, épris de vitesse et d’indépendance.
La passion de Pompidou pour l’automobile ne se limite pas à sa Porsche. Il est un visiteur assidu et connaisseur du Salon de l’auto de Paris, où il ne manque jamais de s’attarder sur les stands de ses marques de prédilection, Porsche et Alpine Renault. C’est également lui qui, soucieux de redonner du lustre au parc automobile de l’Élysée, commandera deux exemplaires uniques de la Citroën SM en version découvrable au carrossier Henri Chapron. Des voitures d’apparat qui, aujourd’hui encore, témoignent du goût et de
l’audace de ce président esthète.
Une retraite paisible au musée
Après le décès de Georges Pompidou en 1974, sa Porsche 356 reste dans le giron familial. Claude Pompidou la conserve précieusement, comme un souvenir tangible de ces années de bonheur et de liberté partagée. Ce n’est qu’en 2001, à l’âge de 88 ans, qu’elle se résout à s’en séparer. La voiture, qui n’affiche alors que 41 503 kilomètres au compteur, est cédée à Porsche France.
Malgré son faible kilométrage, les années ont laissé leur empreinte. La carrosserie nécessite une restauration complète, qui mobilisera les ateliers de la marque pendant 480 heures. L’habitacle en skaï, quant à lui, est conservé dans son état d’origine, témoin silencieux des escapades présidentielles. Le moteur, un quatre cylindres à plat de 1 582 cm³, est entièrement révisé par le centre Porsche Classic de Levallois.
Aujourd’hui, la Porsche 356 de Georges et Claude Pompidou a trouvé une retraite paisible et méritée. Elle est exposée au Porsche Experience Center du Mans, où les visiteurs peuvent admirer cette voiture chargée d’histoire, symbole d’une époque où la passion automobile pouvait encore s’afficher au plus haut sommet de l’État.
La Porsche 356 : une icône de l’après-guerre
Au-delà de son illustre propriétaire, la Porsche 356 est en elle-même une voiture qui amarqué son temps. Première voiture de sport produite en série par la marque allemande, elle incarne le renouveau de l’industrie automobile d’après-guerre. Conçue par Ferry Porsche, le fils du fondateur Ferdinand Porsche, elle est directement dérivée de la Volkswagen Coccinelle.
Produite de 1948 à 1965, la 356 connaîtra de nombreuses évolutions, tant sur le plan mécanique qu’esthétique. Les premières versions, dites « Pré-A », sont reconnaissables à leur pare-brise en deux parties. Suivront les 356 A, B et C, avec des motorisations de plus en plus puissantes et des améliorations constantes au niveau du châssis et des freins. La 356 C, dont faisait probablement partie le modèle de Pompidou, est la dernière évolution du modèle, équipée de freins à disque sur les quatre roues, une première pour une Porsche de série.
Légère, agile et performante, la 356 s’illustrera dans de nombreuses compétitions automobiles, contribuant à forger la réputation sportive de la marque. Mais c’est aussi son design intemporel, ses lignes pures et fluides, qui séduiront une clientèle de connaisseurs, de célébrités et de passionnés, de James Dean à Janis Joplin, en passant par un certain Georges Pompidou.
L’Héritage de la 356
Aujourd’hui encore, la Porsche 356 est une voiture de collection très recherchée. Sa cote ne cesse de grimper, et les exemplaires en bon état s’échangent à des prix élevés. Mais au- delà de sa valeur marchande, la 356 représente un pan entier de l’histoire de l’automobile. Elle est le témoin d’une époque où la passion, l’ingéniosité et le plaisir de conduire étaient au cœur de la conception automobile. Un héritage que La Manufacture s’efforce de perpétuer à travers ses créations de bagages sur mesure, conçues pour s’intégrer parfaitement à ces bijoux de mécanique et d’élégance.
